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Décrocheurs - Aussteiger - Dropouts

artistes, anarchistes, proto-écologistes, vagabonds et hippies

un récit possible du XXème

Partie II:  Lebensreform

(temps de lecture : 21 minutes)

 

Les colonies d’artistes citées dans le chapitre précédent valent pour certaines comme le pressentiment d’un mouvement plus général qui va se développer entre l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche sous le nom de Lebensreform.

 

Le Lebensreform, qui peut être traduit par « réforme de la vie » désigne une nébuleuse d’initiatives (sans organisation centralisée) apparues en Allemagne et en Suisse à partir de 1892. Le Lebensreform repose sur une critique parfois radicale des méfaits de l'urbanisation et de l'industrialisation de la société, critique portée par un « retour à la nature » vu comme une promesse de salut.

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anonyme

Gusto Gräser et sa fille Trudel à Dresde, 1911

Le “retour” invoqué n’est pas à prendre comme une régression, il s’agit pour les adeptes du mouvement d’adopter les découvertes scientifiques et techniques les plus récentes (physiologie, psychologie, médias) pour les mettre au service d’un développement harmonieux de l’humanité, plutôt qu’au profit exclusif de l’essor de l’industrie et du capitalisme.

Le Lebensreform génère des expériences communautaires, des parcours individuels, et anime le débat intellectuel et politique de la germanité jusqu'au milieu du XXe siècle.

 

Ils croyaient que la civilisation moderne, l’urbanisation et l’industrialisation avaient éloigné les êtres humains de leurs conditions de vie « naturelles », les conduisant sur la voie d’une dégénérescence progressive qui ne pouvait être inversée qu’en vivant conformément à la nature de l’homme et de la femme.

Michael Hau

The Cult of Health and Beauty in Germany: A Social History, 1890–1930

 

L'idée centrale tient dans la propositions suivante: 

l’adoption d’un mode de vie global, empreint de sobriété aussi proche que possible de la nature, et aussi éloigné que possible des villes qui sont vues comme toxiques, aliénantes et traumatisantes. 

 

Ce mode de vie prône une nourriture saine, le naturisme, la gymnastique, l’union libre, les médecines alternatives et les vêtements amples. Sont bannis la viande, l’alcool, le tabac, les médicaments, et tous les produits industriels ainsi que le logement et la pédagogie. 

Le mouvement s’accompagne par ailleurs du développement d’une religiosité parallèle, synthétisant souvent le spiritisme et la théosophie et intégrant des éléments pris dans les philosophies orientales comme la pratique du yoga ou le taoïsme.

Les grandes figures du mouvement élaborent des théories sur la santé et la maladie et fondent leur hygiène de vie et leurs thérapies sur les éléments naturels que sont l’eau, la lumière, l’air et le mouvement. 

 

Fondé sur un passage à l’acte en faveur d’une vie voulue plus saine, la Lebensreform s’engage dans les voies de l’action directe sur la société. Confrontés à une situation politique appréciée comme bloquée, statique, ou enferrée dans des prises de position mortifères, les adeptes de ce mode de vie tentent d’agir sur les personnes en commençant par eux-mêmes, éventuellement dans une attitude collaborative, en assumant la conduite de son propre destin. A titre d’exemple, le choix du végétarisme allant à l’encontre de la tendance majoritaire, déployé entre une perception nouvelle du monde animal et des conceptions scientifiques hygiénistes est une illustration de ce mode d’action directe.

Par ailleurs, l’analogie entre le corps individuel et le corps social est sans cesse présente, et illustre l’idée qu’il ne peut y avoir de corps social sain qui soit composé de corps individuels corrompus.

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anonyme

Henri Oedenkoven, Ida Hofmann, Anni Pracht, Raphaël Friedeberg (chapeau),

Cornelia Gabes Gouba et Mini Sohr

dansant la ronde devant la Casa Selma sur le Monte Verità, ca. 1910

 

Le Lebensreform se déclare partisan de la vie et, s’inspirant des philosophes représentants de la Lebensphilosophie (Friedrich Nietzsche, Henri Bergson, Georg Simmel, Wilhelm Dilthey et Ludwig Klages) soutiennent que la vie est ce qui ne peut être que vécu ou intuitionné, que la vie échappe par essence à toute appréhension rationnelle. Cette idée de la vie tend à démontrer les limites de la pensée cartésienne, et s’impose de tenir l’intuition comme valeur cardinale qui puisse ensuite être vérifiée intellectuellement, allant à l’encontre donc des méthodes de la science expérimentale, jugée trop étroitement mécaniste, causale, et accusée de réduire la réalité à des quantités exploitables. La Lebensreform croit au réenchantement du monde.

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anonyme

excursion du groupe des Wandervögel de Küsnacht, printemps 1913

https://issuu.com/nathalie.jufer/docs/retour_a__la_nature_publication/17

La construction de la pensée Lebensreform est à mettre en relation avec les propositions diffusées à la même époque par le Arts and Crafts britannique au milieu du XIXème siècle, et singulièrement illustrée par William Morris, figure anglaise du Romantisme Anticapitaliste, et dans les écrits duquel on peut lire:

 

Prendre plaisir au simple fait de vivre ; jouir d’exercer ses membres et toutes ses facultés physiques ; jouir en quelque sorte avec le soleil, le vent, la pluie ; satisfaire dans la joie les appétits physiques de l’animal ordinaire humain sans avoir peur de s’avilir ni conscience de mal faire : je réclame tout cela et davantage encore !

William Morris, The Earthly Paradise, 1870

William Morris a compté parmi les membres de la Ligue Socialiste du Royaume-Uni à la fin du 19ème siècle aux côtés de Friedrich Engels. Ce parti se réclamait d’un socialisme révolutionnaire et anti-autoritaire.

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Emery Walker

William Morris et la Ligue Socialiste du Hammersmith, 1888

 

Le Lebensreform a été à l’origine des débats et prises de positions de l’époque wilhelmienne en Allemagne. Cette époque s’incarne dans le passage d’une société paysanne à une société industrielle, et est vécue difficilement par l’ensemble des classes moyennes et populaires qui vont contribuer à partir des propositions du Lebensreform (le retour à la nature pouvant être pris comme point de consensus) à créer quantité de ramifications parmi lesquelles on peut citer le mouvement des Wandervögel et le courant intellectuel Völkisch.

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anonyme

Wandervögel Steglitz en randonnée, 1904


Le Lebensreform est à l’origine des premiers Hippies apparus sur la côte ouest des Etats-Unis et qui portaient le nom de Nature Boys, on en trouve aujourd’hui encore une persistance dans le végétarisme, dans les médecines douces, les réseaux courts d’épiceries et la sensibilité environnementale et écologiste en général.

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William Friedrich Pester, ca. 1920

Naturopathes
Naturopathes

L’origine de la naturopathie se situe au XIXe siècle, à la suite de l'hygiénisme qui accompagne la révolution industrielle dans les pays germaniques et anglo-saxons. La naturopathie va contribuer à structurer les initiatives de la Lebensreform en Allemagne et en Suisse, en fournissant une doctrine alimentaire, des principes d’hygiène, un rapport à l’air et à la lumière, et un modèle économique pour les communautés. 

L’idée se répand que l’humanité puisse être malade de sa société, et les naturopathes vont fournir les établissements et les cures adaptés.

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Atelier Gysi

Malades profitant du bon air de la montagne sur une véranda dans un sanatorium à Davos, 1897

Stadtmuseum, Aarau

 

Pionnière dans la recherche de mise en oeuvre d’un rapport hygiéniste à la nature, la naturopathie regroupe un ensemble de praticiens d’une discipline dans une pseudo-science qui ne sera sanctionnée par une certification qu’à partir de 1939 en Allemagne, son nom n’apparaissant qu’en 1895.

La naturopathie a permis, en particulier dans les pays germaniques, l’essor d’une importante industrie de l’alimentation biologique et de compléments alimentaires et cosmétiques fabriqués à base d’éléments naturels (Kneipp) à laquelle sont associés des réseaux d'établissements thermaux et de bien-être. 

Cette activité aujourd’hui controversée représente 6 000 praticiens en France qui satisfont à une demande croissante de médecines douces.

 

L’invention de la naturopathie a été accompagnée de la création de centaines de Sanatoriums partout en Europe. Distincts des sanatoriums  publics qui avaient pour mission d’isoler et de traiter les patients atteints d’affections respiratoires (10 millions de victimes de la tuberculose au cours du XIXème pour la France), ces établissements, privés et dont la création était soumise à la publication par son fondateur d’une mise à jour ou d’une approche singularisée de la naturopathie, proposaient à leurs clients des séjours au moins apaisés et au mieux curatifs dans un établissement bienveillant et sanctuarisé.
 

C’est dans l’enceinte du sanatorium que l’espace, le temps et les organismes étaient organisés de façon doctrinale (à partir des théories du fondateur) en vue de régénérer le patient en lui prescrivant un agenda et des diètes susceptibles de lui permettre de retrouver une relation harmonieuse au monde.

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anonyme

Florian Bendl et des baigneurs de Gänsehaufel, 1907

http://www.danube-culture.org/florian-berndl
 

C’est vu sous cet angle, qu’il est possible d’articuler les projets des naturopathes avec les phalanstères et colonies qui ont habité l’imagination des progressistes de l’époque. 

À cela il convient d’ajouter que ces Sanatoriums sont des entreprises. Et c’est aux fins de développer ces entreprises et les idées spécifiques qu’elles soutiennent, que les naturopathes vont développer des outils et des réseaux modernes de communication en participant aux développements de la presse locale comme nationale, de la publicité, et des messageries.

Naturopathes / Theodor Hahn (1847)

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Theodor Hahn (1824-1883)

 

Theodor Hahn est né à Ludwigslust, Grand-Duché de Mecklembourg-Schwerin. Il fut influencé par l'hydrothérapie mise au point et proposée par son cousin Johann Heinrich Rausse et commença sa propre cure thermale en octobre 1847. 

L’hydrothérapie de Rausse est un ensemble de soins qui utilisent l’eau pour favoriser la santé et le bien-être, ces soins prenant la forme de douches, de bains et de compresses accompagnés de conseils d’alimentation et d’exercices physiques. Rauss affirme que sa cure d’eau peut être utilisée pour lutter contre toutes les maladies connues (son livre, publié en 1855 par Theodor Hahn à pour titre : La cure d’eau : appliquée à toutes les maladies connues), depuis des affections mineures tels des maux de tête ou le rhume, jusqu’à des affections plus graves comme le cancer ou la tuberculose.

Theodor Hahn travailla avec Rausse jusqu'à la mort de ce dernier en 1848 dans une institution de cure thermale à Alexandersbad. En 1850 Hahn renonce au tabac, à l’alcool, au café, à la viande et aux épices. Hahn s'est également opposé à la vivisection animale.


Hahn a été influencé par le livre Makrobiotik de Christoph Wilhelm Hufeland et a commencé à prescrire à ses patients un régime lacto-végétarien à partir de 1852 composé de pain de blé entier, de lait et de légumes crus.

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Christoph Wilhelm Hufeland

Die Kunst das Menschliche Leben (Makrobiotik)

édition de 1797

Die naturgemässe Diät (« Le régime naturel ») de Hahn, paru en 1859 prend résolument parti en faveur d’un régime sans viande en fournissant un argumentaire en faveur de ses avantages physiologiques, en particulier s’agissant de longévité et de force physique.

 

Theodor Hahn fut l’un des premiers à utiliser le terme de “remède naturel” (naturheilkunde) pour désigner ses préparations à base de plantes, et a dirigé successivement plusieurs établissements de cures thermales à Saint-Gall et Zurich. C’est à Teodor Hahn que l’on doit l’ouverture en 1862 à Auf der Wald à Oberwald près de Saint-Gall de l’un des tout premiers sanatoriums d’Europe, le Oberwald Kurhaus, encore actif aujourd’hui.

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publicité pour le Sanatorium Oberwaïd, vers 1862

 

L'historien de la médecine Karl Eduard Rothschuh précise que Hahn "a commencé exclusivement avec la cure d'eau, mais en ajoutant la diététique et le végétarisme à la cure naturelle, il a poussé son influence dans le début du mouvement de réforme de la santé et de la vie”. 

 

En 1865, Hahn est l'auteur d'un best-seller Das Paradies der Gesundheit, das verlorene und das wiedergefundene (Le paradis de la santé, celui perdu et celui retrouvé) qui lui permettra d’étendre son influence sur Eduard Balzer et le Lebensreform. Richard Wagner sera un disciple célèbre des doctrines végétariennes de Hahn.

Theodor Hahn

Naturopathes / Eduard Balzer (1851)

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Eduard Baltzer (1814-1887)

 

Fils d'un pasteur protestant, Eduard Balzer suit la tradition en étudiant la théologie à Leipzig et à Halle, où il découvre la pensée rationaliste qui l’entraîne vers des raisonnements scientifiques et le conduisent à s’opposer à l’autorité abrupte de l'Église prussienne. Devenu pasteur à la congrégation de Nordhausen en 1845, cette attitude lui vaut d’être exclu par le consistoire en 1847. Il quitte donc la congrégation, suivi par les fidèles, et fondent ensemble une communauté protestante libre.

 

Malgré l'édit dit de mars 1847, qui visait à chasser les rationalistes de l'Église officielle, les premiers jours de la communauté ecclésiale libre et les années de la réaction après 1849, furent caractérisés par de violents conflits avec le autorités, notamment sur la création d'un jardin d'enfants Froebel . 

Baltzer notait :

Notre communauté libre, qui reconnaît ouvertement les principes les plus intimes de ce type d'éducation, a recommandé les écoles maternelles seules et surtout aux communautés libres. À l’école maternelle, le volontariat est le moteur de tout ce qui se passe, comme c’est le principe de notre communauté libre dans son ensemble.

 

Balzer va demeurer à Nordhausen jusqu’à la fin de ses jours, il y assumera des responsabilités importantes au service de sa communauté ainsi que la représentation de la ville et se son district à l'Assemblée nationale constituante prussienne à Berlin. Il appartient à la faction « de gauche », est membre de la Commission constitutionnelle et appelle au refus de l'impôt, ce qui lui vaut des persécutions. 

En 1851, Baltzer, désireux de contribuer à une éducation naturelle, ouvre à Nordhausen le premier jardin d'enfants de Prusse sur le modèle de Friedrich Fröbel qui incite à ce que les enfants puissent sortir des classes fermées et s’instruire par le langage, le jeu, l’art, les chansons (c’est à Fröbel que l’on doit la comptine : mon petit lapin a-t’il du chagrin?) et le contact avec la nature. 

Eduard Balzer envisage également pour la ville l’implantation de jardins familiaux, inspirés par Moritz Schreber dans le Brandebourg, il y voit la possibilité pour les habitants et en particulier les plus pauvres de cultiver sa propre nourriture à base de plantes et de participer à une transformation des « villes infestées de peste et des zones désolées » en un grand « jardin sain, beau et productif ».

 

En tant que conseiller municipal et chef du conseil municipal de 1865 à 1874, il promeut le système scolaire, le raccordement de la ville au réseau ferroviaire et l'amélioration de l'approvisionnement en eau potable. Il soutient également le Nordhäuser Zeitung, journal des démocrates libéraux fondé en 1848. 

 

Balzer est l'un des pères fondateurs du végétarisme allemand.

Balzer a déjà été « converti » par le livre Le Régime Naturel, du praticien alternatif Theodor Hahn. 

Il cesse de fumer le cigare le 26 novembre 1866 et devient végétarien.

Le 21 avril 1867 il fonde « l’Association pour un mode de vie naturel » (Verein für natürliche Lebensweise). Celle-ci était dotée de sa propre revue et fut rebaptisée deux ans plus tard en « Association Allemande pour un mode de vie conforme à la nature » (Deutscher Verein für Naturgemässe Lebensweise). 

 

Des initiatives similaires à celles de Baltzer apparurent, comme la création quasi concomitante par Gustav Struve de la Stuttgarter Vegetarierverein en 1868.

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publicité pour le Café Pomona de Leipzig

 

L’Association pour un mode de vie naturel va fusionner avec son homologue hambourgeois le 7 juin 1892 au Pomona Inn und Café de Leipzig pour devenir l’Association végétarienne allemande (Deutscher Vegetarierbund) avec pour but la fédération des initiatives végétariennes en Allemagne. 

La fédération comptait à sa création près de 400 membres et le nombre s’éleva en 1904 à 1500. 

Il faudra attendre 1908 pour que se tienne à Dresde le premier congrès international des végétariens, où sera fondée l’International Vegetarian Union.

Eduard Balzer

Eduard Balzer / Vereins-Blatt

Les magazines étaient le principal moyen de communication des premiers végétariens organisés au XIXe siècle. Ils ont remplacé les rencontres privées et aléatoires dans les spas ainsi que la correspondance par courrier. 

 

L'amélioration des techniques d’impression et de distribution, l'assouplissement des règles de censure, l'augmentation du taux d'alphabétisation et la formation de la bourgeoisie ont provoqué un véritable boom des journaux et des magazines au XIXe siècle. 

 

La seconde moitié du siècle est caractérisée par une spécialisation des magazines : outre les magazines de loisirs et de divertissement, des revues et des périodiques scientifiques se consacrent à des sujets spécifiques jusqu’à devenir des publications de référence dans leur domaine. 

Les journaux des clubs et des partis fournissaient à leurs membres des informations adaptées à leurs intérêts, et les revues sur le végétarisme appartiennent à la catégorie de journaux idéologiques puisqu’ils promeuvent un style de vie spécifique.

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Le Mode de Vie Naturel

périodique, couverture du numéro 1 , 1er juin 1868

 

Le Journal de l'Association des amis du mode de vie naturel, publié par Baltzer à partir de juin 1868, fut le premier magazine du mouvement végétarien en Allemagne.

 

Le journal, édité par Eduard Baltzer, contenait principalement des articles traitant de végétarisme, mais aussi de la « question du pain et du sel » ou critiquant la vaccination. 

La rubrique « De la vie du club » rend compte des activités de l' Association pour la vie naturelle à Nordhausen, et également des réunions et des conférences dans d'autres villes. Initialement, la rédaction du journal de l'association répertoriait les nouveaux membres dans chaque numéro, mais à mesure de l’augmentation du nombre de ses membres, cette pratique a été remplacée par l’édition d’un carnet d'adresses spécialement publié pour les végétariens .
Un élément central du magazine était les vues d'autres pays. En particulier, les nouvelles en provenance d'Angleterre, le pays européen où le mouvement végétarien est le plus actif, ont tenu les lecteurs au courant des développements internationaux. 

Les lettres des lecteurs, les demandes de renseignements et les réponses à celles-ci ont fait du bulletin d'information de l'association un forum dans lequel les parties intéressées pouvaient échanger des idées. Le Vereins-Blatt était, par définition, un journal de proximité.

Dans la section « Littéraire », des livres et des brochures sur le végétarisme étaient présentés, et des poèmes imprimés apportaient occasionnellement un éclaircissement.
Au fil des années, la rubrique services du journal de l'association s'est enrichie de sources de produits sans viande et d'adresses de spas et de restaurants végétariens.


Outre le rédacteur en chef Eduard Baltzer, les auteurs étaient des végétariens engagés d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse, qui avaient pour la plupart déjà écrit des livres faisant la promotion d’un mode de vie sans viande.

Ce type de publication, locale, périodique et végétarienne, s’est répandu massivement en Allemagne à partir du milieu du XIXème siècle et jusqu’aux années trente, on en trouve notamment à Münster, Würzburg, Munich, Francfort, Stuttgart, Dresde, Dortmund…

 

Le journal de l'association fut publié jusqu'en 1893, date à laquelle il fusionna avec le Vegetarianische Rundschau.

Eduard Balzer / Vegetarische Rundschau

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Vegetarische Rundschau

mensuel, 1893

 

Le Vegetarische Rundschau était le journal central des végétariens en Allemagne et, dans une moindre mesure, en Autriche dans les années 1880.

 

La Revue Végétarienne est née en 1893 des journaux berlinois consacrés aux modes de vie naturels, fondés deux ans plus tôt par l'association du même nom. Le changement de nom tenait compte du fait que le magazine n'était pas seulement l'organe de l'Association végétarienne de Berlin (Berliner Vegetarierverband), mais qu'il offrait également une plateforme à d'autres associations, notamment dans l’est de l’Allemagne, la plus célèbre étant sans doute Thalysia.


Le magazine mensuel avait une structure similaire à celle d’un journal du club , à la différence que les articles étaient plus longs et prenaient volontiers un ton plus philosophique. 

Le Rundschau proposait à ses lecteurs des informations pratiques, notamment sur les nouveaux aliments santé comme l'huile de coco. Avec la section pratique végétarienne, dans laquelle les aliments étaient présentés accompagnés de recettes, le magazine berlinois va permettre d’ancrer le végétariannisme dans le quotidien de ses adeptes. Mais sa rédaction centralisée et sa diffusion nationale le privait des relations de proximité que les journaux de clubs permettaient d’entretenir. L’importance grandissante du Vegetarianische Rundschau a contribué à renforcer la crédibilité des thèses végétariennes en Allemagne principalement dans les villes et donc au détriment des campagnes.

 

Outre les articles éditoriaux, les publicités font partie intégrante des magazines à la fin du XIXe siècle. Les allégements fiscaux, l'augmentation de la consommation et de la publicité ont accéléré ce développement, ce qui a permis aux éditeurs de proposer leurs publications à un prix inférieur ou en tirages plus importants.

Les publicités commerciales comprenaient initialement principalement des publicités pour des livres. Avec l’augmentation de la production de biens de consommation végétariens et l’ouverture de spas et de restaurants réformant la vie, la publicité pour tous les domaines du mode de vie sans viande s’est accrue.

La publicité publiée dans le Vegetarianische Rundschau va donner de la visibilité à des ancrages locaux, en diffusant les adresses des associations végétariennes, des restaurants et des stations thermales, qui se trouvaient généralement imprimées sur les pages de couverture.

De la sorte, l’activité éditoriale végétarienne va devenir en Allemagne un élément structurant du Lebensrform en revendiquant une contribution à une amélioration globale des problèmes écologiques et sanitaires par la mise en application d’une hygiène de vie.

 

À partir de 1897, le Vegetarische Rundschau change de titre pour devenir le Vegetarische Warte.

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annonce pour une pension végétarienne à Bad Freienwalde

Vegetarische Warte numéro 11, mai 1913

Vereins-Blatt
Veg. Rundschau

Eduard Baltzer / Théorie

La viande c’est la chair de l’autre. 

 

L’alimentation carnée exclut le cannibalisme et montre son refus de l’altérité. 

Au fond : on ne mange que les nègres (c’est-à-dire les autres) en les accusant de cannibalisme.

Manger la viande n’intègre aucune assimilation spirituelle. 

Cela vise seulement à mettre le sujet mangeur en position de surpuissance afin de mieux servir la machine en dopant les performances de l’individu.

 

Selon Baltzer, le mode de vie végétarien devait contribuer à rendre caduque l’élevage basé sur la propriété terrienne. La terre, de même que l’air et le soleil, ne devrait selon lui n’appartenir à personne mais être partagée par la communauté. La propriété est considérée par Balzer comme source de misère.

La terre est le bien de tous et les dépenses qualifiées d’« improductives », telles l’élevage d’animaux ou les dépenses militaires, doivent être abolies et laisser place à un mode de vie en accord avec la nature. 

 

Dans les années 1867-1872, Baltzer écrivit un ouvrage en quatre volumes intitulé Le Mode de Vie Naturel dans lequel il tentait de justifier le végétarisme en termes religieux, moraux, politiques, économiques et sanitaires. 

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Eduard Baltzer (1814-1887)

Le Mode de Vie Naturel, édition de 1882

Bibliothèque de l’État de Bavière, Munich

 

Baltzer y conçoit l'utopie de l'émergence d'une race humaine nouvelle et supérieure, qui se développerait « vers le vrai, le juste et le bien » en évitant la consommation de viande et un mode de vie naturel afin de finalement « s'approcher de Dieu ». Balzer a nommé ce style de vie le Végétarisme.

 

Fervent opposant à la vivisection et précurseur de la lutte contre les maltraitances animales, Eduard Balzer a été condamné en 1884 à un mois de prison ferme pour avoir écrit un article de journal qui accusait le prince héritier de barbarie au motif de sa participation à une chasse .

Théorie

Naturopathes / Arnold Rikli (1854)

 

Né le 13 février 1823 , à Wangen der Aare (Suisse) et mort le 30 avril 1906 , à Sankt Thomas (Empire Austro-Hongrois, actuelle Autriche), Arnold Rikli laisse l’image paradoxale d’un illuminé qui serait également un homme d’affaires avisé. Naturopathe autoproclamé, il a contribué à rendre populaires les stations thermales en développant l’offre de son sanatorium à Veldes et en entretenant le mythe autour de sa personne.

Arnold Rikli a mis en œuvre sa forme de thérapie holistique en se baignant nu dans son propre sanatorium à Veldes.

 

Son père Abraham Friedrich Rikli était un homme politique influent et propriétaire prospère d'une teinturerie. Arnold Rikli a débuté sa carrière professionnelle à l'âge de 20 ans, puis, en 1845, il fonde avec ses frères Karl et Rudolf une usine de teinture de fils à Seebach en Haute-Carinthie.

Au milieu du XIXe siècle l'industrialisation et la modernisation de l'agriculture ont produit un appauvrissement de la main-d’œuvre et sont cortège de problèmes de santé (rachitisme, asthme et tuberculose, ainsi que les maladies dues à des carences en vitamines).

 

Rikli l'a remarqué et s'est proposé d’y remédier en ayant recours à l’hydrothérapie, soutenue par les pouvoirs curatifs de l’exposition répétée des patients à l’air et au soleil. Rikli commence donc par donner des conseils à ses ouvriers, puis développe un appareil à vapeur destiné aux soins. Ses méthodes lui permettent d’obtenir les quelques résultats qui suffisent à établir localement sa bonne réputation de “docteur de l’eau”, et l’incitent à s’intéresser davantage aux médecines naturelles.

 

En 1854, à l'âge de 31 ans, Arnold Rikli met fin à l'activité de teinture et déménage pour se consacrer entièrement à sa passion. La suisse ne voit pas d’un très bon oeil l’implantation d’établissements de cure sur son territoire, ce qui incite Rikli à déménager pour s’installer au bord d'un lac alpin de Veldes pour y fonder son propre sanatorium. À cette époque, le lieu faisait partie de la monarchie des Habsbourg et de la région de la Haute-Carniole ; Aujourd'hui, l'endroit s'appelle Bled et est situé en Slovénie.

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annonce publicitaire pour le sanatorium d’Arnold Rikli à Vendes

Werner Thélian / ONB anno.

Rikli, autodidacte, a traité avec succès des symptômes chroniques bénins en parvenant à ne pas mettre en danger la vie de ses malades. Ses traitements ayant apporté quelque réconfort à ses patients, sa réputation s’est trouvée consolidée et il a ainsi vu se rassembler derrière lui une suite de « Riklians », adeptes de sa médecine que l’on a aussi pu nommer les “Indiens de Rikli” en faisant allusion aux vêtements légers que leur imposait rikli durant leurs cures.

 

Vêtements réformistes, régime végétarien, gymnastique naturiste, bains et hydrothérapie, et des séances d’exposition à l’air et à la lumière faisaient le menu mais aussi le folklore des séjours des curistes à Veldes. C’est cette médecine holistique qui a suscité l’adhésion des patients issus pour l’essentiel de la bourgeoisie habsbourgeoise en produisant une prise en charge complète, dans un lieu sanctuarisé, pour des séjours ritualisés et placés sous l’égide du bon docteur Rikli.

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Arnold Rikli en 1870

 

Le « médecin du soleil », recevait toujours les malades pieds nus et très peu habillés. Rikli a été le pionnier de la culture du nu par excellence, bien avant le naturisme et le nudisme. Durant ses cures, il s'appuyait sur les stimuli alternés de l'eau, de l'air et de la lumière, destinés à rétablir l'équilibre physique et mental. Rikli a raccourci sa devise avec une rime :

 

L'eau oui, bien sûr, mais pas tout, même plus haut l'air est, plus haut est la lumière !

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Arnold Rikli à Veldes devant une Lufthütte, vers 1875

 

Rikli est le prototype du naturopathe, c’est-à-dire du médecin sécessionniste autoproclamé. L’académisme scientifique médical est retourné contre ses propres usages dogmatiques adossés à l’académisme scientifique.

Les naturopathes retournent une idée de la santé contre l’usage conservateur qui en est fait pour élargir l’horizon de la perception du monde en défendant la continuité corps-monde. Oui : la santé importe et doit être entretenue mais non : nul besoin de verbiage scientifique ou de préparations chimiques : tout le nécessaire est à trouver dans les éléments naturels qui nous entourent. La médecine n’est pas l’administration de traitements mais un rapport à l’environnement. 

C’est ainsi par exemple qu’il faut comprendre la gymnastique naturiste, qui, quand bien même pouvait sembler attentatoire aux mœurs de l’époque, est d’abord la forme de l’exposition maximale des corps aux éléments naturels. Il s’agit d’une pratique vertueuse de l’expérience du corps en immersion dans des éléments naturels (l’eau, l’air et la lumière) et sûrement pas une pratique exhibitionniste.

 

Ce faisant, le docteur autoproclamé Rikli, qui n'avait jamais vu l'intérieur d'une université, ne s'est fait aucun ami. D'une part, en se baignant nu, il portait atteinte aux mœurs communes, en particulier dans Veldes strictement catholique, où Rikli était même assimilé au diable, et il a d’autre part commis des erreurs importantes en pêchant par assurance.. Avec une surestimation illimitée de lui-même, il a traité des cas de maladies graves et ses thérapies ont échoué, notamment dans le traitement de cas de variole auquel les patients n’ont pas survécu.

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Bains de vapeur par Arnold Rikli

 

Rikli a été attaqué par des médecins et traîné devant les tribunaux. On ne l’appelait pas le « médecin du soleil », mais plutôt le « médecin des imbéciles », indiquant par là que ses succès devaient davantage à son charisme ou à une mise en scène des séjours en cure, plutôt qu’à ses réelles capacités thérapeutiques.

 

Rikli a toujours réagi avec le plus grand dédain, conforté par le succès de son sanatorium et sa popularité dans les milieux naturalistes.  Rikli diffusait ses opinions souvent approximatives dans des publications végétariennes de l’époque, usant au besoin d’aphorismes de son cru : "Les gens seraient en bien meilleure santé si nous n'avions pas de médecins."

Rikli niait l’efficacité des vaccinations, jugeait les opérations chirurgicales inutiles et doutait fondamentalement de la valeur des études scientifiques.

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Curistes en 1885

photographie colorisée


La confiance en soi du guérisseur naturel Rikli reposait sur ses succès. Ce ne sont pas les ouvriers d'usine qu'il voulait réellement soigner qui sont venus ensuite le consulter, mais plutôt les citoyens aisés des grandes villes de l'Empire austro-hongrois. et la monarchie impériale, qui pouvait se permettre des traitements relativement coûteux. 56 « cabanes aériennes » étaient à la disposition des hôtes, à tel point qu'en 1895 la construction d'un deuxième bâtiment thermal devint nécessaire.

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Schéma d’une Lufthütte d’Arnold Rikli, 1911

 

Grâce à Rikli, Veldes (plus tard Bled) est rapidement devenue une station thermale de premier plan, assortie d’une activité touristique lucrative pour la communauté. Arnold Rikli a placé cet endroit jusqu'alors sous-développé sur la carte internationale en s’inscrivant dans le réseau de la naturopathie et du végétariannisme qui se développait alors dans les pays germaniques.

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Lufthütte à Veldes (photographie non détée)

 

Franz Kafka et l'anthroposophe Rudolf Steiner se sont rétablis au sanatorium de Rikli. Rikli a contribué à la rémission de Karl Wilhelm Diefenbach et trouvé là un des sas adeptes les plus fervents. L'ancien officier Karl Gräser y a également passé son séjour thermal, c’est là qu’ il va rencontrer Ida Hofmann, professeur de piano de Transylvanie, et Henri Oedenkoven, fils et héritier d'un important industriel belge, qui garderont le souvenir du sanatorium de Veldes comme celui d’un sanctuaire qui leur servira de modèle pour créer la communauté du Monte Verità à Ascona.

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Curistes devant une Lufthütte à Veldes

 

C’est à partir de 1883 à Leipzig, que Louis Kuhne va reprendre le modèle de sanatorium d’Arnold Rikli et donner une visibilité internationale à l’établissement de soins qu’il crée  à Leipzig, tout en diffusant son livre La nouvelle science de guérir sans médicaments ni opérations. Ce livre, qui présente une méthode de naturopathie unifiée, fait l’apologie d’une alimentation à base de fruits et légumes crus, va être traduit en plus de cinquante langues et lus par le Mahatma Gandhi.

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Louis Kuhne

La nouvelle science de guérir sans médicaments ni opérations, 1883

page de titre de l’édition anglaise

 

La station thermale de Rikli à Bled est tombée dans l'oubli après l'effondrement de la monarchie du Danube et le déploiement du rideau de fer.

 

Arnold Rikli a été le médecin douteux ayant développé l’imaginaire du sanatorium en un sanctuaire mondain, isolé des vicissitudes et des contraintes de la cité. Rikli a fait du sanatorium une activité à la mode et produit un modèle économique et social pour celles et ceux qui cherchaient à structurer des colonies.

Arnold Rikli

Naturopathes / Adolph Just (1896)

En 1896, la publication du  livre d’Adolf Just, Retour à la nature (Kehrt sur Natur Zurück), connut un tel retentissement qu’il fut réédité douze fois et publié jusqu’à 50 000 exemplaires jusqu’en 1930.

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Adolf Just

Kehrt zur Natur Zurück

Libraire de profession, Just, tombé malade, s’était tourné avec succès vers des méthodes naturelles de guérison. 

Il ouvrit en 1895 un centre de santé à Jungborn, dans le Harz (situé à une centaine de kilomètres à l’ouest de Berlin), où il reçut notamment en 1912 Kafka comme patient (qui citera quelques scènes de son séjour dans son Journal), avant d’en créer un second au sortir de la Première Guerre mondiale, nommé la Société de Guérison par la Terre (Heilerde-Gesellschaft). 

La singularité de l’offre de Just au Jungborn tient dans la proposition de bains de boue, boues dont Just fera le commerce avec la société de production et distribution d’argile curative Luvos à Blankenburg et qui fera sa fortune ainsi que celle de ses descendants.

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anonyme

traitement de l’argile pour la société Luvos, ca.1930

luvos.net
 

L’institut thermal de Jungborn proposait à ses patients une cure sans alcool et sans viande, à base de légumes crus, de fruits, de baies, de noix et de céréales de blé complet. 

Ce lieu de repos prévoyait aussi des espaces pour prendre des bains et se détendre, nus, au soleil. 

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publicité pour l’institut thermal du Jungborn d’ Adolf Just, 1920

 

Just dénonce dans son ouvrage la cruauté dont sont victimes les animaux en soulignant que l’être humain n’a ni les dents, ni l’intestin d’un carnivore et que la majorité serait bien incapable de tuer un animal de ses propres mains. Il répudie les massacres d’animaux en tant que forme de violence mais aussi car la viande, selon lui, est cause de maladies. 

Si dans son institut, naturisme et végétarisme sont liés, il n’est pas cependant question d’un véritable retour à la nature mais plutôt d’un naturel cultivé. Les partisans comme Just de cette culture naturiste n’envisageaient pas de le pratiquer au quotidien ou au travail. Il s’agissait dans la plupart de ces instituts de se dévêtir uniquement dans des espaces dédiés, des solariums aménagés, généralement entourés d’une haute palissade les protégeant des regards indiscrets. La pelouse était tondue, les visiteurs disposaient de douches et de cabines pour se changer et de chaises longues pour s’étendre. Le plus souvent, les sexes étaient séparés. 

 

Il ne s’agissait donc pas de rétablir un état de la nature archaïque mais de s’inspirer plus modestement de la nature pour mener une vie meilleure sans refuser les bienfaits de la modernité.

Si le plaidoyer de Just a reçu un si bon accueil, c’est probablement au motif de la voie médiane qu’il prônait : au motif du naturalisme policé dont il faisait l’éloge.

Adolph Just
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